Trièves en Transition à Bruxelles

Bruxelles, 23 janvier 2013. Face à nous dans l’amphithéâtre high tech avec ses écrans vidéo, ses micros et ses cabines de traduction, une centaine de membres de la section Transport & Énergie du Conseil Économique et Social Européen (CESE), représentant les 27 pays de l’Union Européenne. Nous sommes 6 transitionneurs de toute l’Europe (Belgique, France, Italie, Lettonie, Portugal, Royaume-Uni) invités à présenter notre travail local au sein de nos groupes de transition.

L’ambiance est feutrée, sérieuse, plutôt costumes gris que vert écolo, même si certains membres sont plus décontractés que d’autres. Chacun dans ses dossiers, casque de traduction sur les oreilles, un œil sur l’écran qui montre l’orateur du moment en gros plan. Des employés font le tour en proposant du café.

Notre présence ce jour-là au cœur des institutions européennes marque l’attention grandissante que le CESE prête au mouvement de la transition et à sa capacité de mobiliser les citoyens pour réussir la transition énergétique. Le CESE est un organisme consultatif qui rend des avis à la Commission européenne quand celle-ci prépare une nouvelle directive. Son autre rôle est de faire connaître à la Commission les initiatives de la société civile (syndicats, associations, monde de l’entreprise) qui méritent d’être prises en compte dans les politiques européennes. Le CESE n’a aucun pouvoir de décision, mais la présence de deux représentants de la Commission à notre présentation est un signe que le message est passé.

Sur proposition de Filipa Pimentel, transitionneuse portugaise vivant à Bruxelles et ancienne fonctionnaire du CESE, celui-ci a décidé en mai 2012 d’étudier le mouvement de la transition, dans le cadre d’un travail d’étude qu’il effectue sur l’implication des citoyens dans la transition énergétique. Le CESE a donc envoyé 17 de ses membres (sur 233) de 12 nationalités différentes visiter 17 groupes de transition dans 10 des 27 pays de l’Union Européenne. C’est ainsi que, le 14 août dernier, le Trièves a reçu la visite de M. Pierre-Jean Coulon. Celui-ci s’est informé sur les activités de Trièves en Transition et a pu rencontrer des associations et des élus actifs dans les domaines du développement économique et de l’environnement :

–       Trièves Compostage (mise en place de compostages collectifs)

–       Pour Bâtir Autrement (promotion de la construction écologique et formations)

–       Les Pouces Vertes (jardin, rucher et verger partagés)

–       Cigales du Trièves (investissement citoyen dans l’économie locale)

–       Centrale Villageoise (projets de production d’énergie renouvelable locale, associant habitants et collectivités)

–       Vignes et Vignerons du Trièves (sauvegarde des vignes et des cépages locaux)

–       Projet d’aménagement durable du Pré Colombon à Mens

Il a également rencontré des élus : Samuel Martin et Alain Hermil-Boudin (Communauté de Communes), Annette Pellegrin (conseillère générale et maire de Mens), Jean-Paul Mauberret (adjoint Mens). Le midi, il a dégusté un repas solaire mijoté pendant la matinée – à base de produit locaux, bien entendu.

Il en est reparti impressionné par le dynamisme du Trièves et par l’implication élevée des habitants dans la vie de notre territoire.

M. Coulon n’a pas été le seul. Ses collègues sont tous revenus enthousiastes de leurs visites, y compris les plus sceptiques d’entre eux. Ils ont donc décidé de présenter la candidature du Mouvement des Villes et Territoires en Transition pour le prix de la Société Civile Européenne. Leur enthousiasme a dû être convaincant, car en décembre 2012, le mouvement de la Transition s’est vu attribuer le 1er prix de la Société Civile Européenne au cours d’une cérémonie officielle à Bruxelles. Selon les mots de Steffan Nilsson, président du CESE, ce prix reconnaît l’excellence des initiatives de transition à travers l’Europe. C’est une grande joie et une grande fierté pour tous les pionniers qui se sont lancés l’aventure de la transition vers l’après-pétrole.

Enfin, ce 23 janvier, les membres de la mission présentent leur rapport en séance plénière. Pour appuyer leur exposé, ils ont demandé à six Européens engagés dans la transition de venir présenter plus précisément leur travail, sans en cacher les limites et les difficultés. C’est à ce titre que je me retrouve à la tribune, en compagnie de 5 autres transitionneurs d’Europe. C’est avec plaisir que je retrouve certains et que je fais la connaissance des autres, dont je ne connaissais que le nom. Quelques transitionneurs bruxellois nous accompagnent pour assister à ce moment.

Le CESE a fait un effort exceptionnel pour cette occasion : il a invité 6 intervenants au lieu de 1 habituellement, il a mobilisé une cinquantaine d’interprètes pour traduire nos interventions dans presque toutes les langues (en général, les débats sont traduits en anglais et en français seulement), et la Commission Européenne a délégué 2 représentants.

Fait inhabituel, les rapporteurs se déclarent unanimement impressionnés et souhaitent que les instances européennes apportent leur soutien à la transition en Europe. Les rapporteurs letton, français et grecque se montrent particulièrement enthousiastes, et le rapporteur britannique, un conservateur, explique comment il est passé du scepticisme à l’enthousiasme. Les rapporteurs polonais et tchèque apportent un bémol en soulignant les faiblesses d’un mouvement uniquement basé sur la participation bénévole des citoyens, mais sont d’accord avec leurs collègues sur le potentiel de la transition. Le rapporteur letton Andris Gobins va jusqu’à proposer que le conseil adopte les méthodes de travail collectif de la transition pour rendre les réunions plus plaisantes et plus efficaces…

(Il est d’ailleurs passé à l’action le jour même, organisant un forum ouvert sur l’implication des citoyens dans les politiques européennes, qui a rassemblé une centaine de fonctionnaires européens).

Notre tour de prendre la parole est arrivé. Cinq minutes chacun pour expliquer ce qui se passe dans sa ville ou territoire. En tant que représentant du Transition Network, Naresh Giangrande esquisse ce que pourrait être une coopération entre les institutions européennes et le mouvement de la transition. Puis chacun notre tour, dans un ordre prédéterminé par le président, nous évoquons notre travail dans les lieux où nous vivons. Autant de pays, autant de différences. En Lettonie comme au Portugal, durement frappés par la crise, la transition est d’abord vécue comme un moyen de faire face aux difficultés économiques, grâce aux réseaux de solidarité , au troc et aux outils financiers alternatifs qu’elle met en place. À cette différence qu’en Lettonie, l’époque soviétique a laissé des traces dans les mentalités : on y semble moins prêt à se mobiliser, on attend les solutions de l’état, la transition peine à se faire entendre.

J’explique le Trièves, ses atouts, ses faiblesses, ses ressources encore peu exploitées, sa vie sociale et culturelle riche, son manque d’emplois, sa forte dépendance au pétrole, ses initiatives écologiques et économiques, ses élus à l’écoute, les grandes lignes du travail de Trièves en transition, ses projets, les différentes manières de s’adresser au public pour toucher le plus grand nombre, les obstacles réglementaires que rencontrent certains projets innovants… Je parle aussi de la nécessiter de soutenir les groupes locaux qui naissent dans toute la France, le manque de moyens du réseau national, l’importance de la reconnaissance de l’Europe.

Cinq minutes, ça passe vite. Nous avons terminé. Un bref débat suit nos présentations, quelques questions pertinentes sur notre financement, les moyens de motiver le public. Pas de remarques sceptiques, un auditoire attentif et curieux. Et déjà nous sommes sortis de la salle, le CESE poursuit ses débat sur les autres sujets de l’ordre du jour.

Qu’attendre concrètement de ce travail avec le CESE ? Le Conseil n’a pas de pouvoir de décision, ni de budget à allouer pour soutenir des projets. Mais il nous a déjà offert une reconnaissance officielle via le 1er Prix de la Société Civile européenne, un témoignage du sérieux de la démarche de transition et de son potentiel pour aider la société à s’adapter à l’avenir. Il nous propose de relayer nos demandes auprès de la Commission Européenne et de nos gouvernements respectifs. Le début d’une collaboration qui nous aidera à faire monter en puissance la transition partout autour de nous ? À suivre…

Un grand merci à Filipa Pimentel, qui s’est démenée pour que cette rencontre ait lieu, et à tous les transitionneurs d’Europe dont le travail dévoué et sérieux s’est vu reconnu à Bruxelles.

Etaient présents :

Belgique : Josué Dusoulier, Ath en Transition

France : Pierre Bertrand, Trièves en Transition

Italie : Cristiano Bottone, Monteveglio Transizione

Lettonie : Arturs Polis, Transition Ikskiles

Portugal : Filipa Leo Pimentel, Portalegre em Transiçao

Royaume-Uni : Naresh Giangrande, Transition Network et Transition Town Totnes

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